T- TITEZASEBALADE II.

C’était un vendredi 13, il faisait moche.

Pourtant je ne me souviens plus trop, ma mémoire se joue de moi, mais j’avais l’impression qu’il faisait bon d’ailleurs ce soir-là de novembre 2015. Nous étions à Paris. C’était un vendredi 13. Un vendredi noir. 

Nous étions montés afin que je puisse faire du tri dans les affaires de Maman. Rien n’est simple dans la vie, mais cette semaine-là avec mon époux, nous nous étions libérés pour aider mon papa à ranger, trier et faire du vide. L’affaire est un peu plus facile quand nous sommes plusieurs à affronter ce moment de stress.
Comme on disait, on va faire du rangement à la vertical, du vide dans les armoires dans les différentes pièces, mais aussi dans notre tête comme pour faire un peu plus notre deuil. Ce n’est pas simple de devoir faire cela mais il le faut. Et les accumulations depuis tant d’années laissent des traces !

Bref, nous avions fini nos démarches ce soir-là, mais pas encore complètement car pas mal de boulot nous attendait le lendemain. Et puis nos rangements, nos dons pour cette association et  nos allers-retours incessants  vers cette institution qui récupère tout c’était ma foi bien éreintants moralement certes, mais physiquement aussi ! On en a abattu du bon et gros boulot !
Je l’avoue, nous étions fatigués, stressés et un peu fourbus tous les trois. Nous avions besoin de nous relaxer.

Nous sommes partis tous les deux laissant papa se reposer, ce soir-là dîner avec nos amis d’enfance dans un restaurant avec nos filleules. Nous étions heureux de nous retrouver comme à chaque fois. Nous avons passé un excellent début de soirée bien installés dans nos fauteuils un peu trop grands. Nous nous racontions nos vies autour d’un bon repas, un peu fatigués mais tellement contents de partager ces moments si rares car nous sommes éloignés par plus de 400 kilomètres les uns des autres.
Et ce n’est que peu de temps à chacune de nos visites réservées aux parents qui habitent à 100 mètres que nous pouvons nous entrevoir entre deux visites. 

Et puis, il y a eu le patron du restaurant qui glissait quelques mots à l’oreille de notre ami. Le match France-Angleterre jouait ce soir là,  je crois,  à la télévision en sourdine pour les amateurs. 
Et j’entendais qu’il lui disait : Attends, il faut que je monte le son, un flash spécial annonçait une explosion dans Paris ….
Le match était fini. Mais nous ne comprenions pas tout. Des explosions, des coups de feu …. des blessés, des morts, des gens apeurés. 

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Nous finissions de dîner et nous sommes rentrés. Bizarre comme ambiance. Dans les rues noires de monde l’ambiance était curieuse. Les badauds se baladaient dans les rues parisiennes, de nombreux touristes et beaucoup de jeunes sortent le vendredi soir. C’était la joie !
Il y avait comme un décalage déjà dans ce que nous avions pu entendre et ce qui se passait dans les rues du centre. Oui nous étions dans la rue Mouffetard en plein centre du quartier Latin. 
Nous sommes rentrés inquiets mais tranquillement. Les petites étaient fatiguées de leur journée et de leur semaine d’écoles. 
Puis nous avons bu un, deux, trois cafés devant le poste de télévision que nous avions allumé pour suivre un peu ce que nous avions entendu mais pas bien compris. 
Et là, sous nos yeux ébahis, s’étendait au fur-et-à-mesure des heures le drame. Des explosions au stade de France. Des centaines de gens apeurés. Des tirs, des coups de feu sur des gens attablés aux terrasses dans les rues de Paris et ensuite un carnage dans une salle de spectacle le Bataclan. 
Toutes ces scènes d’horreur nous paraissaient comme surréalistes ! 
C’était très traumatisant de savoir qu’à peu de kilomètres pendant que nous, nous festoyions, à quelques minutes du lieu où nous dînions tranquillement d’autres se faisaient abattre froidement par des terroristes, des âmes perdues qui commettaient des actes de barbarisme !

Ces personnes ont abattu à bout portant des centaines de personnes qui ce soir là prenaient du bon temps en terrasse avec leurs proches, ou écoutaient un concert de rock. 

Personne ne comprenait cette horreur. 

Nous avions peur. 

Quand il a fallu rentrer et faire à peine cents mètres à trois heures du matin. Je crois que c’était bien la première fois de ma vie que j’ai eu si peur en voyant les rues aussi vides un vendredi soir. 
Seules les sirènes des polices ou autres ambulances hurlaient dévalant la rue …. des taxis roulaient à toute vitesse. 
Mais l’avenue était vide. 
Comme si le temps s’était arrêté. 
Une prise de panique nous envahissait et mon mari et moi sommes rentrés longeant les murs et marchant à vive allure. 
J’en étais transite de froid. 
En rentrant, nous discutions des quelques faits avec papa qui avait écouté les nouvelles à la télévision. Puis, éreintés, nous nous sommes couchés. 

Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit, remémorant les images stressantes et ce ressenti : La peur. 
J’ai profité de parler à mon amie à l’autre bout du monde par mobiles interposés ,  elle était réveillée et lisait le récit de notre aventure. Elle aussi était choquée et refroidie après lecture de mes phrases. Moi, ça me faisait du bien de me confier, de me libérer ….

Je n’ai dormi que trois heures et encore …. Tout se mêlait dans ma tête. 

Le matin, sonnait et nous devions poursuivre nos affaires. Mais nous étions habités par de drôles de sentiments. 
Nous sommes repartis de Paris. 
Tout avait changé !

Pourtant nous en avons traversé des attentats sur Paris, La rue de Rennes, le RER A, les attentats à Djerba où mes parents étaient en vacances avec notre cadette, New York et le World Trade Center, il y a quelques années déjà …. mais je ne sais, ce vendredi 13 novembre 2015 résonnait différemment !

La peur. 

Et encore quelques jours après, les média déroulant faits après faits, selon les enquêtes, les réseaux sociaux nous hantaient avec les différents récits, photos, vidéos et des imbéciles en profitaient pour faire circuler de fausses rumeurs afin d’échauffer les lecteurs. 

La peur s’installait. 

C’était un vendredi soir, un vendredi moche, très moche !

Et puis, avec le temps, la vie reprend le dessus le travail, le sport, les sorties. C’est nos vies, notre culture, nos habitudes que de sortir, d’aller au restaurant, d’aller voir des spectacles, de rire, d’écouter de la musique, de partager un pot entre potes ou en famille aux terrasses et avec cet autonome si doux, il est bon de se prélasser ….

La vie ! 

La vie !

Oui, la vie est chère et belle !

Je voulais en écrivant ces quelques lignes un peu en décalage mais chacun fait ce qui peut …. car j’avoue avoir été un peu beaucoup traumatisée par cette soirée sur Paris. J’avais besoin d’exorciser ma peur et de rendre hommage à ma manière, avec mes petits moyens et de loin, mais je le voulais de toutes mes forces faire ce petit geste avec mes propres mots pour toutes ces victimes qui voulaient simplement profiter de la vie et qui malheureusement sont parties trop tôt à cause de la folie de certains.

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C’était un vendredi 13 novembre 2015 et c’était vraiment moche !

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